C’est toujours quand on pense que tout va pour le mieux que d’autres trucs nous tombent dessus. Ouais on pense que tout va bien mais en vérité on est loin du compte. Depuis que la puce est hors de mon corps je me suis affaiblis, je me sens pas moi-même et il y a ces marques rouge qui partent de ma nuque, comme des veines qui s’allongent jour après jour sur mon corps, de plus en plus nombreuses, de plus en plus grandes. Je savais que mon mauvais pressentiment venait bien de quelque part, mais j’aurais préféré avoir tort. Au moins grâce à ça j’ai emporté la puce avec moi avant de repartir et j’ai pu la donner à Peter, pour qu’il l’étudie, pour qu’il puisse me dire s’il a des informations à propos de mon état. Il m’a parlé d’un poison mortel, il m'a annoncé que lorsque les marques atteindraient mon cœur ça en sera terminé pour moi. Je n’ai pas voulu en savoir plus. A quoi bon ? Dès le départ je savais qu’il y avait un problème, qu’on n’aurait pas pu retirer cette puce aussi facilement. Ouais ils ont fait en sorte d’être les seuls à pouvoir me libérer de cette bombe, n’importe qui d’autre libèrerait le poison en tentant de l’enlever.
Je me suis rendu compte que boire du sang empirait mon état, accélérait la poussée de ces marques. Moi qui pensais que tout irait pour le mieux on dirait que les merdes continuent de s’accumuler. J’ai caché mon état à Red, je voulais pas qu’elle s’inquiète, je veux pas non plus qu’elle voit ces marques. Puis j’ai avancé mon billet d’avion pour le Canada, je sais pas pour combien j’en ai à vivre après tout, donc plus tôt je la libèrerai de son contrat, mieux je me sentirais. Au moins je pourrais partir avec l’esprit tranquille. Je regarde l’avancée des marques à travers un miroir, elles recouvrent maintenant toute mon épaule et se rapprochent de mon pectoral gauche. J’enfile un pull puis je quitte la salle de bain, me dirigeant vers la porte d’entrée en balançant tout simplement ces quelques mots à Red.
- Je me tire, j’en aurais pour plusieurs heures.Ouais on cohabite à nouveau ensemble maintenant que j’ai plus l’unité derrière mon cul, puis c’est surtout qu’elle sait trouver de bons coins où se cacher d’eux, mais sinon on a toujours chacun notre indépendance, on n’est pas un vieux couple après tout. Je laisse la porte se claquer derrière mon dos et me voilà partit direction l’aéroport. Bon j’imagine que Red va se poser des questions au bout de plusieurs heures écoulées, mais je serais déjà bien assez loin à ce moment-là.
***
Canada, retour au bercail, c’est que ce pays m’avait franchement manqué, mais je sais au fond qu’aujourd’hui sera la dernière fois où je reviendrais ici. Alors évitons les moments nostalgiques où je repasse à notre ancien appartement et aux endroits où on a fait les quatre cents coups ensemble. Non, j’ai une seule destination en tête et je compte pas faire de détours. Alors ouais, le taxi que je prends me dépose directement au club entretenu par Lucifer et si j’appréhende un peu cette rencontre, j’ai pas l’intention de revenir en arrière, pas alors que l’avenir de Red est en jeu. Elle m’a sauvé des mains de l’unité, à mon tour de la sauver des mains de Lucifer.
- Chris Montgomery, j’ai un rendez-vous avec le patron.Le type à l’entrée chuchote un truc dans son talkie-walkie, surement pour vérifier mes dires, puis il me dit d’entrer dans le club et d’aller boire un verre, qu’on viendra me chercher quand Lucifer aura terminé ce qu’il fait. J’entre sans dire un mot de plus et m’installe dans l’un des canapés, sans commander de boisson, me contentant d’analyser tout ce qu’il se passe autour de moi. Un pur endroit de débauche et de tentations, mais je suis pas venu là pour ça. On tente pourtant à plusieurs reprises de me convaincre de m’amuser, on m’offre un verre, on m’offre une veine, on me propose d’aller danser, jouer, mais je refuse tout. Si Lucifer veut me tester il peut y aller, je n’ai pas l’intention d’être ivre mort au moment où je le rencontrerais.
Deux heures d’attente. J’ai attendu deux heures dans ce foutu club avant qu’on ne daigne enfin venir me chercher. Un type baraqué m’annonce que Lucifer est prêt à me recevoir et me demande de le suivre. Les choses vont enfin prendre une tournure sérieuse. On s’éloigne de la musique, du bruit, des odeurs d’alcool à travers un long couleur blanc, on se croirait limite dans un hôpital. Puis on arrive devant un ascenseur et le type me dit qu’il faut que je monte au dernier étage. Parfait. Les dernières minutes qui me séparent de la rencontre avec Lucifer se déroulent rapidement, puis quand les portes de l’ascenseur s’ouvrent enfin, je le découvre de dos, assis derrière un bureau, plusieurs corps nus allongés par ci et là, toujours vivants, la plupart encore en plein extase. Vive la théâtralité. J’ignore ces fantômes, je ne m’approche pas non plus, me contentant de fixer le dos du dossier de la chaise qu’il m’offre.
- J’imagine que tu sais déjà ce qui m’amène ici.
- Effectivement. La question à savoir est donc : qu’as-tu à m’offrir en échange ?
- Mes services. Je suis un bon tueur et je sais que tu as des rivaux. Je peux aussi t’apporter une aide financière, même si tu ne sembles pas en avoir besoin. Je peux...
- Pourquoi est-ce que j’échangerai un contrat à vie contre un contrat qui ne durerait pas plus d’une semaine ?Merde qu’est-ce qu’il raconte ce con ? Est-ce qu’il est au courant pour le poison ? Et comment sait-il que j’en aurais pour moins d’une semaine alors que même moi j’en savais rien ? Foutu démon. Face à mon silence, Lucifer se lève de sa chaise et se retourne enfin vers moi, plongeant ses yeux électrisants dans les miens. Ouais il n’y a pas à dire, ce type-là fou la chair de poule mais j’ai pas l’intention de jouer les tapettes avec lui. Il se rapproche de moi, faisant résonner chacun de ses pas comme s’il portait des foutus talons. Ah bah ouais, il en porte ce con, enfin c’est plutôt des talonnettes mais on s’en fou. Il s’arrête juste en face de moi, esquissant un mauvais sourire alors que sa main vient caresser ma joue. Pas touche enfoiré ou je mords.
- Il n’y a pas à dire, Red et toi êtes de bien jolis spécimens. Est-elle au courant que tu es ici ? Est-elle au courant que tu vas mourir ? Est-elle au courant de ce que tu ressens pour elle ?Merde mais ferme-là tu veux ? Tu parles trop et tu poses aussi beaucoup trop de questions, c’est exaspérant, j’ai jamais aimé les curieux. Il laisse retomber sa main et commence à se glisser dans mon dos, passant une main par-dessus mon épaule pour caresser mon torse et je dois vraiment prendre sur moi pour ignorer les mauvaises manières de ce crétin et attirer son attention sur autre chose.
- Il y a bien quelque chose que je peux t’offrir qui vaille mieux que le contrat que tu as avec elle, non ? Il y a toujours un truc qu’on veut plus que ce qu’on a déjà, il te suffit de me dire ce que c’est.
- Et si c’est toi que je veux ? Si c’est ton corps que je réclame, me l’offrirais-tu ?Hors de question putain, je suis pas venu là pour jouer les putes. Je grogne mais serre les dents pour ne pas m’emporter. Merde je vais bientôt mourir alors qu’est-ce que ça change si je perds ma dignité en échange de la liberté de Red ? J’ai beau essayé de me convaincre je sais que je n’y arriverais pas. Il retire enfin sa main de mon corps et c’est fou comme d’un coup la pression redescend. Il place ses mains derrière son dos et revient se planter en face de moi.
- Vu ton état je ne suis pas sûr que tu saurais être un bon amant. Si tu souhaites que j’annule le contrat de Red, tu devras faire plusieurs choses pour moi.
- Je suis tout ouïe.
- Suis-moi.Il esquisse un mauvais sourire et retourne vers son bureau. On dirait que les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Il sort alors un parchemin et une plume avant de s’installer, me proposant de m’asseoir en face. C’est parti pour les négociations.
- Je ne te demanderais que trois petites choses. En premier je veux que tu assassines quelqu’un pour moi, Abigaïl Morrison.Merde Abigaïl est la nana la plus à même de faire tomber Lucifer, une femme bien qui veut libérer le pays d’êtres abjects comme lui. Si je la tue alors Lucifer deviendra le roi de cette ville et plus rien ne l’arrêtera. Je devrais sûrement en avoir quelque chose à foutre mais non, je vous l’ai dit, je suis prêt à tous les sacrifices pour la sauver, je ne suis pas à un meurtre près.
- C’est d’accord.Je sais que je condamne une ville entière pour une seule personne, mais cette personne c’est Red bon sang. Bon et si on passait à la deuxième condition ?
- Je veux que tu exposes tes crimes au monde entier, ça ne devrait pas trop te poser de problèmes puisque tu es déjà sur l’échafaud. Quitte à libérer Red, autant le faire jusqu’à bout.
- Et qu’est-ce que ça t’apporte à toi ?
- Le plaisir de voir ta vie détruite si par hasard tu t’en sortais.
- J’accepte.Ouais j’accepte parce que de toute façon je compte pas laisser Red être accusée de mes crimes alors que je suis le seul responsable. Tant pis si l’académie est au courant, tant pis si le monde entier est au courant, au moins je partirais de ce monde en ayant rétablis la vérité.
- Quelle est ta dernière réclamation ?
- Ta conscience. Une fois que tu auras assassiné Abigaïl, je veux que tu la fasses revenir.Il n’y a pas à dire, ce type est une putain d’enflure. A croire qu’il veut faire de ma vie un enfer jusqu’au bout avant mon trépas. A quoi ça l’avance de faire un truc pareil ? Ce mec est tordu, vraiment malsain. Comment Red a pu faire affaire avec un tel connard ? Ça me rend encore plus fou de savoir qu’il a posé les mains sur son corps mais au moins il a l’intelligence de ne pas s’en vanter devant moi.
- Les deux premières demandes sont déjà bien assez suffisantes, je pense qu’on peut se passer de la dernière.
- Tu penses ? Moi je pense que je suis prêt à annuler un contrat à vie pour toi, un contrat qui me plaisait bien pour un autre qui ne durera qu’une infime partie de ta vie. Alors oui Chris Montgomery, si je veux faire de ta vie un enfer je le ferais. Acceptes-tu la dernière condition ou es-tu prêt à rentrer bredouille et annoncer à Red que j’attends son joli petit corps dans cinq jours ?Fait chier. Ma colère l’emporte et me fait taper du poing sur le bureau, mais ça ne l’impressionne pas le moins du monde car il sait qu’il aura toujours le dernier mot, c’est bien pour ça qu’il est réputé. Le diable gagne toujours. Alors je ravale ma haine, je ravale mes insultes, ravale tout ce qui bout en moi pour me contenter d’acquiescer comme un bon chien obéissant.
- C’est d’accord, mais je ne signerais que quand tu auras déchiré le contrat de Red.
- Marché conclu.Lucifer appuie sur un bouton et demande à ce qu’on lui porte le contrat 1249. On attend tous les deux silencieusement en se regardant dans le blanc des yeux, lui avec son mauvais sourire, moi avec mon envie de lui défoncer la mâchoire. Puis quelqu’un entre dans le bureau avec un contrat entre les mains, celui de Red. Lucifer me le montre et je vois bien le nom de Red écrit au complet et sa signature en bas de la feuille. C’est un putain de soulagement qui me parcourt lorsque je le vois déchirer ce papier et le faire brûler, malheureusement c’est à mon tour de signer. Alors j’attrape cette maudite plume et écris mon nom et ma signature en bas de la page.
- Abigaïl sera morte ce soir. Pour le reste j’imagine que tu sauras très bien te démerder pour savoir si ça a été fait ou non.
- Ce fut un plaisir de faire affaire avec toi Chris Montgomery. Tu passeras le bonjour à Red de ma part en rentrant.C’est ça compte là-dessus. Maintenant que le contrat est passé inutile de m’attarder plus longtemps ici. J’ai encore une innocente à tuer avant de foutre ma vie en l’air, mais après tout quelle importance puisque j’ai moins d’une semaine à vivre. Au moins Red sera sauvée et c’est tout ce qui compte.